Edito.


La crise financière que nous connaissons a notamment eu pour effet de mettre en lumière les multiples sujets d'investissement et de spéculation. Le capital humain est en toute logique venu s'ajouter à la longue liste.

Des sociétés présentes sur internet en ont fait une spécialité. Le principe est simple. Des individus présentent leur profile et leur projet. Les investisseurs, appelés "backers" font leur choix et avancent un capital en échange d'une part des revenus futurs de leur candidat.  L'idée est appuyée par le fait qu'une start-up à plus de chance d'échouer qu'un diplômé qui peut à tout moment rebondir, notamment avec l'aide de ses investisseurs. L'université d'Etat de l'Oregon l'a très bien compris. Au lieu de percevoir des frais d'inscriptions de leurs étudiants ils demandent à leurs diplômés de verser 3% de leurs revenus durant 20 ans.

Jusqu'ici on ne parle que d'investissements bien organisé. Sur le plan éthique tout cela se tient tant que l'on fait la distinction entre le "travailleur" et  sa "force de travail". Dans le cas de l'université on peut toutefois penser que ce système peut inciter celle-ci à privilégier les filières qui vont générer les meilleurs revenus. 

Les risques de dérive, maintenant bien connus avec l'exemple de subprimes, peuvent venir lorsque des capitaux humains classés "à risque" pourraient ainsi être regroupés dans des actifs dits toxiques et vendus à vil prix dans un bel emballage estampillé "Tripple A". 

Bien que ce ne soit pas encore autorisé dans tous les pays, en Amérique Latine la spéculation sur des contrats de footballeurs est déjà prisée.

L'investissement sur le capital humain prends donc plusieurs formes, variant de l'investissement en bon père de famille avec potentiellement à la clé une relation constructive entre l'investisseur et l'individu et, par ailleurs, des spéculations sur de contrats "à risques" ou sur des vedettes.

Si le législateur devra se porter garant de la séparation "travailleur - force de travail" la réalité peut-être plus floue et l'individu ne devra pas perdre de vue que tout cela est avant tout un outil et non pas un objectif.

Christian Pinon

 

Source: Cet éditorial est inspiré de l'article "Devenez actionnaire ... d'un individu", Le Monde Diplomatique n°725 août 2014Photo: fresque d'Isabelle Malotaux située dans la rue du Ruchaux (photo: Aymeric Pinon)